Bruno Génésio a séduit la Ligue 1 avec le jeu rennais, Christophe Galtier n'a pas réussi à imprimer sa marque à Nice. Source : L'Équipe.
Notre classement des coachs de Ligue 1 a livré son verdict à l'issue de la saison : Franck Haise (RC Lens) est le meilleur entraîneur 2021/2022. Il est suivi de Bruno Génésio (Stade Rennais) et Julien Stéphan (RC Strasbourg). Retour sur le travail des 24 techniciens de notre championnat.
Un podium joueur aux accents bretons
Les trois premiers entraîneurs de notre classement partagent de nombreux points communs. Ils sont tous français, à l'heure où les mastodontes du championnat ont cédé à la tentation des techniciens étrangers (avec plus ou moins de réussite). Ils sont, plus précisément, rennais : si Bruno Génésio est l'actuel N°1 du SRFC, Julien Stéphan l'avait précédé (2018-2021) et Franck Haise a dirigé le centre de formation breton entre 2006 et 2012. Ils incarnent surtout la "nouvelle vague" du coaching français : une génération qui ose attaquer, qui "ne défend pas le point qui lui est donné au coup d'envoi", qui innove tactiquement. Rien de surprenant, alors, à voir les Lensois de Franck Haise multiplier les phases de pressing haut, amener le ballon par les côtés et faire plier l'adversaire grâce à la forte densité de joueurs dans les 20 derniers mètres adverses. Le RC Lens, une équipe qui a étouffé Marseille pendant plus d'une demi-heure dans un Vélodrome pourtant surchauffé (2-3, le 26 septembre), qui a fait déjouer le PSG, tout proche de la défaite à Bollaert (1-1, le 4 décembre) et incapable de s'imposer au Parc (1-1, le 23 avril), et qui avait annoncé la couleur dès la fin août en balayant Monaco sur le rocher (0-2). Des Rennais de Bruno Génésio, on garde en mémoire des séquences offensives exceptionnelles, tout en une touche de balle (ou presque), millimétrées, travaillées et généreuses. Le troisième but inscrit face à Troyes (4-1, le 20 février) par Martin Terrier, au terme d'une phase de construction dans laquelle Omari, Traoré, Guirassy, Majer, Meling, Laborde puis le buteur toucheront le ballon, reste comme l'un des nombreux chefs d'oeuvre aperçus cette saison au Roazhon Park. Un sens du collectif basé sur la "liberté" (d'après Martin Terrier), orchestré par le "grand Monsieur" Génésio (dixit Flavien Tait), "extraordinaire sur le plan humain" (selon Bourigeaud), qui a permis aux Rouges et Noirs d'inscrire la bagatelle de 82 buts (2e meilleure attaque du championnat, derrière le PSG). Les Strasbourgeois de Julien Stéphan se sont parfois contentés d'un peu moins (60 buts inscrits), ce qui n'enlève rien à l'intensité de leurs temps forts : capables de faire craquer Paris (Gameiro à la 3e minute, le 29 avril) et Rennes (Diallo à la 4', le 20 avril) en tout début de match, par exemple. Leur solidité collective (6e meilleure défense, 43 buts encaissés) leur a permis d'engranger des points précieux : le RCSA a remporté 8 matchs par un but d'écart. Le 3-4-3 du technicien alsacien lui a permis d'exploiter à merveille les qualités de son effectif, jusqu'à amener le Racing aux portes de l'Europe (6e, à trois points de Nice). Comme à Lens (7e) et Rennes (4e), le résultat est presque devenu secondaire aux yeux des supporters, à l'image des peu de mots que nous leur accordons ici. C'est sûrement la plus grande victoire de ce trio de techniciens !
Sampaoli a gagné son pari à l'OM
En voilà un autre qui a réussi sa saison, même si elle fût plus tumultueuse et les analyses moins unanimes : de Jorge Sampaoli on met d'abord en avant la place de dauphin, synonyme de qualification directe en Ligue des Champions. Parce que cette deuxième position en Ligue 1 était primordiale, à écouter le technicien lui-même, son président Pablo Longoria, et les supporters. Aussi parce que le contenu des matches a été moins régulier que les équipes évoquées ci-dessus. C'est d'ailleurs ce qui le place 6e de notre classement : une position finalement cohérente si on fait la synthèse entre les suiveurs qui ont vu en lui "le meilleur" et ceux qui ont fustigé ses "tactiques illisibles", allant jusqu'à siffler son nom au Vélodrome. Des sifflets qui trouvent sûrement leur explication dans le parcours catastrophique des Phocéens à domicile, seulement 9e au classement, avec 25 points perdus. Lyon (0-3), Clermont (0-2), Brest (1-2), Monaco (0-1) et Lens (2-3) sont venus s'imposer à Marseille. Et des louanges qui s'expliquent tout aussi logiquement par l'exceptionnel parcours à l'extérieur, qui fait de l'OM la 1ère équipe loin de ses bases cette saison (39 points glanés). Le replacement de Valentin Rongier à droite, la gestion du cas Milik, l'alternance Pau Lopez-Steve Mandanda dans les buts ou l'utilisation de Gerson ont divisé. Frederic Antonetti qualifiait l'OM d'équipe "moyenne", dont "le seul vrai danger venait de Payet", après le nul des Lorrains au Vélodrome (0-0, le 7 novembre). Peter Bosz déclarait au contraire sa flamme aux innovations tactiques du coach argentin : "C’est intéressant ce qu’il fait avec son gardien et avec son latéral droit qui devient milieu défensif avec le ballon." Bruno Génésio insistait sur le fait que "ce que fait Sampaoli, ce n'est pas farfelu, c'est bien réfléchi". Deux techniciens qui ont quand même trouvé la faille pour s'imposer face aux Phocéens...
Bosz et Galtier en difficulté
Si Peter Bosz a effectivement réussi face à l'OM (2-1 à l'aller, 0-3 au retour), le reste de la saison a été plus compliquée... C'est simple, "son" OL est le pire du 21e siècle ! Jamais Lyon n'avait terminé un championnat aussi bas que cette 8e place, malgré un total de points honorable (61), suffisant pour se qualifier en Europe la saison dernière pas exemple (Marseille avait filé en C3 avec 60 unités). Qu'importe, ce constat ne masque pas les manques criants des gones tout au long de l'exercice. On aura tout juste aperçu quelques bribes du jeu alléchant promis par le technicien néerlandais, à l'image de cette superbe action collective face à Clermont (3-3, le 22 août) ou de la solide prestation au Parc des Princes (2-1, le 19 septembre). Non seulement c'est trop peu, mais en plus les prestations ne sont pas allées en s'améliorant, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer en laissant du temps au coach lyonnais. Un groupe tellement faible mentalement qu'il a encaissé trois buts en dix minutes à Nice (3-2, le 24 octobre), suffisant au point de ne pas jouer certaines rencontres (la dernière en date à Metz, avec une défaite 3-2, le 8 mai), et que son entraîneur n'a jamais pris à sa mesure, répétant qu'il "ne comprenait pas", "ne savait pas". Peter Bosz échoue à la 11e position de notre classement, une place aussi anonyme et indigne que ce que nous a montré son équipe sur le terrain. Bonne nouvelle pour lui, il devrait avoir l'occasion de faire mieux l'année prochaine puisque sa direction ne le lâchera pas.
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Christophe Galtier tentera aussi de viser plus haut en 2022/2023 : sa première saison à la tête de l'OGC Nice peut être qualifiée de mitigée. À son crédit, une qualification européenne, objectif initial du club : ce ne sera "que" la Conference League, certes, mais les aiglons ont squatté le Top 5 quasiment toute la saison. De son côté également le mental affiché par ses joueurs, en attestent les 11 points glanés par le Gym dans les 5 dernières minutes et les multiples renversements de situation (3-2 contre Lyon, le 24 octobre - 4-2 contre Sainté, le 11 mai - 3-2 à Reims, le 21 mai). Autant d'éléments qui expliquent la 5e place occupée par le technicien azuréen dans notre classement. Venons-en maintenant au point noir : le contenu des matches. Les scenarii fous exposés précédemment ont parfois atténué des prestations collectives allant du moyen à l'indigent. Les aiglons ont été incapables de déstabiliser les blocs bas et/ou physiques, les individualités ont systématiquement pris le dessus (Gouiri en 2021 puis Delort en 2022) et aucun duo offensif n'a apporté de garantie. Une saison qui ressemble étrangement à la première année de Patrick Vieira à Nice, affreuse dans le jeu mais gratifiée d'une qualification européenne. Mieux vaut cela que ni l'un ni l'autre...
Changer ou ne pas changer, il n'y a pas de règle
Si la réussite n'a pas été totale, Lyon et Nice ont fait le choix de maintenir leurs entraîneurs jusqu'au terme de la saison. Une tendance générale cette année en Ligue 1, puisque seulement quatre clubs ont changé de technicien en cours d'exercice. Preuve que les dirigeants ont compris qu'une telle décision changeait rarement le destin d'une équipe, ou symptôme de clubs asphyxiés financièrement, dont les indemnités de licenciement d'un coach feraient exploser le budget ? Quoi qu'il en soit, notre classement montre une nouvelle fois qu'il n'y a pas de règle sur les remplacements : si l'arrivée de Philippe Clement a redonné un coup de fouet à Monaco (score finale de 5,8 pour lui, contre 5,2 pour Niko Kovac), David Guion termine lui en-dessous de son prédécesseur Vladimir Petkovic (5,1 contre 5,2) et Bordeaux est relégué, Pascal Dupraz n'a pas (encore) sauvé les verts et ne fait pas beaucoup mieux que Claude Puel (5,3 contre 5,2), et enfin Bruno Irlès n'a pas métamorphosé le Troyes de Laurent Batlles (5,3 contre 5,0). Le constat est vrai dans l'autre sens : si Christophe Pélissier, Pascal Gastien et Gérald Baticle se sont nourri de la confiance de leurs dirigeants pour maintenir Lorient, Clermont et Angers, Jocelyn Gourvennec (LOSC) et Frederic Antonetti (Metz) ne sont eux pas parvenus à remplir leurs objectifs.
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À noter que, cette année, le maintien a plutôt été favorable aux entraîneurs joueurs mais équilibrés : Pascal Gastien a ajusté son 4-2-3-1 en 4-3-3 sur certaines rencontres du Clermont Foot, Bruno Irlès a d'abord insisté sur l'aspect défensif en arrivant à Troyes, avant de proposer des projections vers l'avant, et Michel Der Zakarian a construit une belle assise défensive tout en incitant ses offensifs à se projeter en nombre sur les contre-attaques. Au contraire, le manque criant de rigueur dans l'arrière-garde bordelaise a condamné les girondins de Petkovic puis Guion, et l'absence d'ambition dans le jeu de Frederic Antonetti n'a jamais permis à Metz d'enclencher une série positive.
Nous dresserons un bilan complet et plus détaillé de la saison, club par club, dans les prochains jours.